Quand la consommation s’adapte à la production
Pour économiser l’énergie sans nuire au confort, les chercheurs de Siemens développement des systèmes de gestion des bâtiments permettant de réguler leur consommation électrique.
Face à ces évolutions, une nouvelle solution se profile dans un tout autre domaine. Reposant sur un logiciel bien pensé, la technique du report de charge vise à optimiser la consommation d’électricité des bâtiments grâce à une meilleure gestion des équipements électriques : ils s’allument de préférence à un moment où l’éolien et le solaire produisent un surplus d’électricité, c’est-à-dire lorsque l’électricité est moins chère, et s’éteignent pendant la nuit ou lorsque la production éolienne est faible. Dans la logique actuelle, les centrales à gaz et à charbon sont mises en marche pour répondre à la consommation des ménages, des usines et des bureaux. A l’avenir, ce sera l’inverse : les bâtiments modifieront leur demande en électricité en fonction des disponibilités de la production. La consommation s’adaptera à la production.
En collaboration avec des experts de > Siemens Building Technologies (BT), une équipe de l’Université technique de Munich (TUM) a montré qu’il était relativement simple d’allumer et d’éteindre différents équipements dans plusieurs types de bâtiments. Les chercheurs ont étudié pendant plusieurs mois les données issues de centres de gestion technique de bâtiments et portant sur toutes sortes d’équipements, depuis l’activité du système de ventilation et des pompes à eau jusqu’à la température des pièces. Ils se sont par exemple demandé à quel rythme la température augmente dans un bureau construit en matériaux légers une fois que la climatisation est coupée. « La grande question pour nous, c’était de savoir pendant combien de temps il est possible d’éteindre certains équipements sans altérer le confort d’utilisation d’une pièce ou d’un bureau », explique Timm Rössel, assistant de recherche au département de génie climatique et domotique de la TUM. Les normes allemandes précisent que pour rester agréable à vivre, la température d’un bureau ne doit pas chuter en dessous de 21°C. Timm Rössel et son collègue Johannes Jungwirth, du département de gestion de l’énergie et génie des applications, ont analysé quatre types de bâtiments : les bureaux et administrations, les hôpitaux, les piscines couvertes et les écoles.
Le report de charge offre des perspectives particulièrement intéressantes dans les bâtiments de bureaux. Avec un taux d’occupation normal, il est possible d’arrêter entièrement la ventilation d’un bureau pendant 30 minutes sans que l’atmosphère ne devienne étouffante et ce type de coupure peut même être répété plusieurs fois par jour. Idem pour la ventilation des garages souterrains. Les chercheurs ont également voulu connaître la fréquence, mais surtout la vitesse de fonctionnement des ascenseurs dans les bâtiments de bureaux. En diminuant la vitesse des ascenseurs plusieurs heures par jour en dehors des pics de fréquentation du matin et du soir, on pourrait réduire la consommation électrique d’environ 10 % sans entraîner de gêne pour les usagers. Les possibilités d’amélioration sont également importantes dans le cas de bâtiments dotés d’un réseau d’eau non potable pour l’alimentation des chasses d’eau : il serait possible d’actionner les pompes avec un décalage de 12 heures sans aucun risque que les réservoirs se vident. Dans les hôpitaux, les efforts d’économie d’énergie pourraient se concentrer sur le matériel de stérilisation des instruments chirurgicaux. Pour les bâtiments abritant une piscine, le plus grand potentiel réside dans les compresseurs des systèmes de déshumidification. Ils peuvent en fait être coupés pendant plusieurs heures, tout comme les dispositifs de purification par UV et par ozone.
« Cette étude est cruciale pour nous car elle montre que les grands bâtiments présentent un potentiel de report de charge intéressant », résume Joachim Kiauk, chef de projet en charge de cette étude au sein de Siemens BT à Zoug, en Suisse. « Siemens travaille avec la TUM pour développer des outils logiciels qui serviront bientôt à gérer les installations techniques des bâtiments en fonction de l’électricité disponible. »
Depuis 2011, les fournisseurs d’énergie allemands sont tenus de proposer des tarifs variables évoluant au cours de la journée en fonction de l’offre et de la demande. Bien que le système ne permette pas encore de variations à très court terme, les spécialistes estiment que dans un futur proche, le prix de l’électricité changera toutes les heures voire toutes les 15 minutes. Les systèmes de gestion technique des bâtiments arrêteront ou limiteront l’utilisation de certains équipements quand le prix de l’énergie est élevé, par exemple le matin ou le soir lorsque les sèche-cheveux, grille-pain et autres bouilloires augmentent la demande en électricité. Un système d’alerte minute par minute permettrait de rallumer pompes et ventilateurs de préférence lorsque les prix diminuent en raison d’une forte production d’origine éolienne et solaire.
De la température des bureaux au volume d’air ventilé, plusieurs centaines de paramètres sont recueillis en permanence par les systèmes modernes de gestion technique des bâtiments. Pour que le logiciel de report de charge soit capable d’établir un lien entre toutes ces données, les chercheurs de TUM affinent les paramètres de calcul en se basant sur des simulations. « Dans l’idéal, il faudrait pouvoir intégrer ces algorithmes dans les technologies existantes comme notre système Desigo », ajoute Joachim Kiauk, de Siemens BT. Reste à savoir comment les produits Siemens intégreront les connaissances nécessaires. « Il faut commencer par la recherche de base », explique Christoph Hielscher, responsable du développement des applications Smart Grid chez Siemens Energy. « Notre but est de rendre les bâtiments intelligents : ils doivent être capables de savoir la vitesse à laquelle ils se refroidissent, la quantité de chaleur dont ils ont besoin, et le moment où ils peuvent éteindre certains appareils pour diminuer leur consommation. Chaque bâtiment est unique. »
Les futurs systèmes de gestion des bâtiments analyseront en temps réel des centaines de paramètres afin d’ajuter la consommation à l’offre d’électricité